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Pourquoi on ne mange pas de viande d’animaux carnivores ?

Temps de lecture : 4 min
Morceau de viande saignante

Pourquoi l’humain, dans nos sociétés occidentales, ne mange-t-il pas, ou peu, de viande de carnivores ?

Les herbivores et omnivores sont plus simples à élever 👌

Christophe Lavelle, chercheur au CNRS et au Muséum national d’Histoire naturelle, nous explique que l’être humain, durant la Préhistoire, se nourrissait de différentes sortes de gibiers : des herbivores, mais également des félins et des oiseaux carnivores, bien qu’il était certes moins risqué de chasser les premiers.

Pour ce qui est de l’élevage, l’humain se limite aux herbivores (tels que les vaches, chèvres, etc.) et omnivores (entre autres cochons et poules) bien plus faciles à élever contrairement aux carnivores, au risque de se faire croquer !

Toutefois, éviter les risques de se blesser ou d’y perdre la vie n’explique pas tout. Car si l’humain élève des carnivores, il doit alors les nourrir d’animaux. Il a donc trouvé plus judicieux, dans le cadre de son alimentation, de se nourrir des seconds pour des raisons de rendements et de praticité. Bien sûr, il existe des exceptions comme les fermes d’alligators ou fermes de crocodiles qui produisent à la fois de la viande et du cuir (dans ce cas, la production de cuir est particulièrement rentable, car à destination du marché du luxe).

Les carnivores que l’on mange et les autres 👀

En fait, on mange bien des carnivores, mais pas n’importe lesquels.

Les carnivores oubliés

Dans cette catégorie, nous avons tendance à oublier certains poissons carnivores (bar, saumon, carpe, brochet, thon, etc.) qui proviennent aussi bien de la pêche que de l’élevage.

À vrai dire, les seuls animaux que l’humain occidental consomme régulièrement sont les herbivores, omnivores et poissons carnivores. Ne figurent donc pas sur cette liste les insectes et reptiles, bien que là encore des exceptions soient faites. Mais il existe d’autres grands absents : les mammifères carnivores (pensez aux renards, blaireaux, ours, chiens et autres).

La viande de carnivores est pourtant comestible

D’après l’archéozoologue Lamys Hachem de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP) interviewée dans l’émission consacrée à l’humain et l’animal du podcast Rappelle-toi demain, ces animaux sont tout à fait comestibles. La raison de leur absence dans nos assiettes : la culture, et plus particulièrement le tabou. Selon Hachem, il s’agirait même de l’un des plus grands tabous de nos sociétés occidentales.

Une question de culture 🍽️

Manger un mammifère carnivore est une transgression.

Dicter des interdits pour faire communauté

La chercheuse indique que ce tabou alimentaire pourrait s’expliquer par la nécessité d’établir des règles afin de souder une communauté : on dicte les pratiques qui sont admises et celles qui ne le sont pas.

Le critère choisi pour autoriser ou interdire peut être celui de la pureté (notion que l’on retrouve très souvent dans des textes religieux) : par exemple, il n’est autorisé de manger que les animaux que l’on estime purs. Hachem nous apprend qu’au Moyen-Âge, il existait une liste d’animaux que l’on désignait comme impurs tels que les chats et les chiens. À l’inverse, certains animaux ne sont pas consommés, car ils sont considérés comme sacrés et/ou associés à des divinités (comme c’est le cas de la vache dans l’hindouisme, associée à Shiva, Indra et Krishna).

Et comme le défend Melanie Joy, psychologue et sociologue qui a développé le concept de carnisme, la logique considérant les espèces comme comestibles ou non est arbitraire et non rationnelle.

Hachem va dans son sens et rappelle donc que, dans l’ensemble, tous les animaux sont comestibles, mais que les sociétés et religions dictent ceux qui peuvent être mangeables. Elle donne notamment l’exemple des Gaulois qui consommaient aussi bien du cheval que du chien. L’élevage de chiens était courant à cette période, aussi bien pour leur alimentation que pour la fabrication de peaux.

Plus proche dans l’Histoire, en France, lors du siège de Paris durant la guerre franco-prussienne (1870-1871), il n’était pas rare de manger du chien et du chat, car la viande d’autres animaux était rationnée et devenue plus rare. Guillaume Apollinaire fait même mention de cette pratique dans son recueil de poèmes Il existait d’ailleurs une « Grande boucherie canine et féline« . Guillaume Apollinaire fait même mention de cette pratique dans son recueil de poèmes Alcools.

📖
Beaucoup entraient dans les brasseries
Quelques-uns nous quittèrent
Devant une boucherie canine
Pour y acheter leur repas du soir

Guillaume Apollinaire, Extrait de La Maison des morts, Alcools, 1913

Un boucher attrape un chat, caricature de Faustin Betbeder de 1870
Pendant le siège de Paris 1870-1871, caricature de Faustin Betbeder

Et il semblerait que de la viande de chien aurait été vendue dans certaines boucheries jusqu’au début du XXe siècle. Plus récemment, en Suisse, consommer de la viande de chien et de chat aurait été une tradition pratiquée au moins jusqu’en 2014, par environ 3 % de la population.

Enfin, notez que bien que l’abattage de chien ou de chat pour sa commercialisation et la commercialisation de la viande de chien soient interdits, il n’est pas interdit d’en consommer encore aujourd’hui.

Mais revenons à nos explications.

La suspicion de tomber malade

Selon le sociologue Claude Fischler qui développe le concept du « paradoxe de l’omnivore » dans son livre L’homnivore, notre espèce qui est dans la capacité de manger beaucoup de choses est tiraillée entre l’envie de goûter des nouveautés et la suspicion que cela la rende malade.

En plus de ça, nous aurions besoin de catégoriser ce qui nous entoure dans des classes peu perméables. Aussi, pour revenir à nos animaux, si un animal est considéré comme « dégoûtant » ou impur et qu’on l’ingère, alors l’on deviendrait « dégoûtant » à notre tour.

Être à bonne distance de l’animal

La chercheuse Hachem indique également que pour manger un animal, il faut qu’il y ait une certaine distance : on ne mange pas les animaux trop proches, comme son chat, mais pas non plus ceux qui sont trop éloignés comme les crapauds, les insectes, etc. L’animal doit se trouver à une distance intermédiaire et être accepté comme ingérable dans la société où l’on vit. Et il est bien souvent élevé à l’écart du reste de la population.

En adhérant à ces codes, l’individu peut ainsi concrétiser son appartenance à un groupe. Et lorsqu’il consomme quelque chose de nouveau, selon Fischler, il remet en question ce qu’il est, son identité.

Cette idée explique notamment que beaucoup d’Occidentaux s’émeuvent du festival de Yulin (fête qui a lieu à Yulin, en Chine, lors du solstice d’été) où des chiens et des chats sont tués et mangés pour fêter l’arrivée de l’été, mais n’éprouvent pas de compassion, comme le reprochent des militants et militantes de la cause animale, pour les cochons, poules, vaches et autres qu’ils consomment et qui sont élevés plus proches de chez eux.

Sur ces paroles à méditer, on vous laisse avec cette page Facebook parodique qui communique sur la viande… de chien (en anglais) éditer par le site Elwood’s Organic Dog Meat (en français).

Viande de chien bio d'Elwood
© Elwood Dog Meat

Cet article n’est pas sponsorisé, cependant nous avons intégré un lien d’affiliation vers la plateforme le proposant : la FNAC.

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